OIV News 21/11/2016

21 Novembre 2016 by

A la découverte du cépage mollard

 

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C’est dans les Alpes du Sud, et uniquement dans le Gapençais, que l’on cultive aujourd’hui le mollard, une variété indigène à cette région, selon toute vraisemblance. Le vignoble en question se situe dans le département des Hautes-Alpes, implanté dans la haute vallée de la Durance, non loin de la ville de Gap. D’une superficie encore significative jusque dans les années 80 (721 ha en 1979), il a décliné depuis au point de ne couvrir actuellement qu’une centaine d’hectares. Bien qu’il s’agisse d’une viticulture de montagne (600 à 900 m d’altitude), avec ses contraintes et aléas climatiques, elle ne manque pas d’atouts, comme un ensoleillement qui permet le mûrissement de nombreux cépages. C’est dans ces conditions que s’épanouit le mollard, un cépage noir dont l’ascendant génétique serait le gouais, un plant ancestral quasiment disparu. Représentant 18 ha, la superficie actuelle de ses plantations est un gage pour une pérennité qui devra tout au Domaine Allemand, à l’origine de sa sauvegarde et son promoteur le plus convaincant.

Le Domaine Allemand, vigneron et conservatoire du mollard

Dans les années 80, à l’heure où l’arrachage du mollard était de mise, Marc Allemand s’investit pour le sauvegarder avec le concours de ce qui est devenu depuis l’Institut Français de la Vigne et du Vin. Après un travail de sélection de longue haleine, le cépage est inscrit en 2005 au catalogue officiel de cette institution et deux clones sont agréés. Notre vigneron a ainsi fait de son domaine le foyer du mollard avec 4 ha en culture et surtout une vigne de référence, appelée vigne-mère, destinée à la reproduction.

Non content d’avoir fait œuvre de pionnier, il a également démontré la viabilité et la plasticité du cépage à travers des vins aussi différents qu’accomplis. En dégustant le rouge issu exclusivement de vieilles vignes de mollard (60-70 ans), on découvre les caractères du cépage dans une interprétation plutôt raffinée. La belle définition du « Théüsien Rouge » permet en effet de discerner des arômes nuancés, évoquant une épice douce comme la vanille, rehaussés d’une note poivrée et d’un subtil effet acidulé rappelant celui de fruits rouges. Une texture ample et fraîche, sans accroche tannique, et un goût pénétrant parachèvent une expression qui pourrait être un plaidoyer de choix pour le mollard.

La polyvalence est une autre de ses vertus, éloquente quand il s’agit d’un effervescent, et qui plus est une méthode traditionnelle élaborée par le vigneron lui-même. Issu du seul mollard, le « Brut Rosé » est très peu dosé et n’a rien à envier sur le plan de la finesse de bulles à ses homologues plus huppés. En rosé, associé au cabernet franc, il contribue à une composition au goût net et exquis, joliment baptisée « Le Goût des Vacances ». Dans la cuvée « M&M, Secret Partagé », si l’alliance avec le merlot entame son intégrité, elle se fait au bénéfice d’un rouge plus consensuel, généreux et d’une élégante rondeur.

Un avenir assuré

La dénomination IGP (Indication Géographique Protégée) qualifiant les vins produits dans les Hautes-Alpes autorise un encépagement varié où le mollard est admis parmi d’autres espèces. Si rien n’oblige à le privilégier, quasiment tous les producteurs ont pris conscience de son intérêt, voire de sa spécificité et de ce qu’elle apporte dans un contexte d’uniformisation lié à l’usage de cépages non traditionnels au vignoble.

C’est dans cette dernière considération qu’œuvre Yann de Agostini dans son Domaine du Petit Août, créé en 2009, et doublé d’un projet à financement participatif, destiné à replanter du mollard et de l’espanenc, autre cépage local existant à l’état résiduel. En attendant, à partir de parcelles acquises ou replantées par ses soins, il élabore plusieurs cuvées de pur mollard en rouge et une en rosé. Sa relecture du cépage trouve une forme d’aboutissement dans un vin alliant avec bonheur naturel et distinction. Nommé « Tout Compte, Tout Compte Fait », il se démarque par un fruit délicat et d’une notable teneur, un profil plein et harmonieux, aux contours soyeux. Le mollard est ici sublimé.

Seule coopérative du vignoble Haut-Alpin, la Cave des Hautes Vignes est aussi son principal producteur, exploitant quelques 75 ha, majoritairement plantées en cépages exogènes. Cependant, elle s’applique tout de même à préserver son patrimoine de mollard, même si dans certaines vignes il cohabite avec du cinsault, résultat d’une viticulture peu rigoureuse, témoin d’un autre temps. C’est d’ailleurs avec du cinsault qu’il compose « Terres d’en Haut », une cuvée désignant un rouge léger et savoureux, et un rosé. Tout seul, il donne « Rare Cépage », qui reflète correctement son essence dans un genre sans détour, attendu pour son prix modique.

Très modeste par sa taille (1,5 ha), le Domaine de la Clochère utilise largement le mollard puisqu’il a été planté avec ce cépage il y a une cinquantaine d’années. Cependant, à l’instar d’autres vignes de l’appellation, les ceps atteints de maladie ont été remplacés par d’autres variétés. Le mollard continue malgré tout de façonner presque entièrement son rouge (90 %).

Enfin, le mollard compte un nouvel adepte puisque Charles-Henri Tavernier l’a réintroduit dans le pays d’Embrun, un secteur excentré du vignoble. Il l’a ajouté à la collection de cépages qui fait la singularité de son domaine.

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